«Ces fantasmes, ça me pourrit la vie. Je ne veux pas finir comme un pervers.» Longtemps seul face à ses pulsions envers les enfants, Bastien est désormais suivi. Mais la prise en charge thérapeutique des pédophiles, qui pourrait empêcher des agressions, reste balbutiante face aux réticences de la société.
Cet ingénieur de 39 ans évoque dans le cabinet de sa psychologue ses pulsions qui «resurgissent de temps en temps»: «Dans ces moments-là, on se sent vraiment seul, on ne peut parler à personne.»
Pour éviter cet isolement, associations et psys essayent de promouvoir des structures d’aide, et même une ligne téléphonique spécialisée. Mais reconnaissent se heurter à des incompréhensions, dans une société qui cherche à mieux entendre la parole des victimes et peine parfois à concevoir que l’on s’intéresse aux auteurs.
«Un sujet tellement tabou»
«C’est dans l’ombre qu’ils sont les plus dangereux», assure la psychologue Inès Gauthier, spécialiste du sujet. «Il ne faut pas les rejeter, pour qu’ils puissent parler de leur problème et le comprendre».
«C’est un sujet tellement tabou. On met tout de suite le mot monstre, il n’y a pas de demi-mesure», constate Yannick, un musicien de 35 ans rencontré par l’AFP, accro aux images pédocriminelles.
«Hyper sexualisé» à l’âge de six ans, initié à des jeux sexuels avec un garçon d’environ 12 ans, il dit avoir gardé de cette époque le fantasme «de gamins entre 6 et 12 ans, avant la puberté», mais affirme n’avoir jamais agressé physiquement un enfant.
En 2016, il est interpellé puis condamné à trois ans d’injonction de soin et à un suivi socio-judiciaire. Dans son ordinateur, la police a trouvé 613 photos et 69 vidéos pédocriminelles.
«Toucher le fond»
«En garde à vue, c’est comme si j’avais touché le fond de la piscine pour ensuite remonter. Je parlais, parlais… C’était dur et à la fois libérateur», témoigne celui qui a depuis entamé une thérapie et participe à des groupes de paroles avec d’autres pédocriminels.
Bastien affirme lui aussi n’être jamais physiquement passé à l’acte. Mais il connaît des «phases de boulimie» d’images pédopornographiques – un délit passible de deux ans d’emprisonnement et 30’000 euros d’amende – qu’il tente de refréner.
«Tout m’a explosé à la figure. Je me suis rendu compte que j’étais un criminel, que j’allais finir en prison…»
Lui-même agressé sexuellement, à l’âge de neuf ans, par un garçon d’environ 12 ans – une expérience source d’un «mélange de terreur et de plaisir (qu’il) n’aurait jamais dû ressentir» – il s’est découvert pédophile à 20 ans, en voyant sur internet une photo porno mettant en scène un adolescent.
«Tout m’a explosé à la figure. Je me suis rendu compte que j’étais un criminel, que j’allais finir en prison… Mais ce qui est horrible c’est que, comme l’alcoolisme ou les drogues, j’y retourne.»
En proie à un profond mal-être, il consulte un premier psychiatre à 23 ans, qu’il sent «bienveillant mais démuni» face à son problème. Quinze ans plus tard, il prend attache avec un Centre ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) et démarre un suivi.
Un auteur sur trois, lui-même déjà victime
En France, on estime que chaque année, plus de 130’000 filles et 35’000 garçons subissent des viols ou des tentatives de viols, en majorité incestueux. Un auteur sur trois aurait lui-même été victime de violences sexuelles dans son enfance.
En 2016, quelque 19’000 personnes ont été condamnées pour viol ou agression sexuelle sur mineur. Et 400 personnes sont condamnées chaque année pour détention d’images pédopornographiques.
Et encore, ces statistiques sur les pédocriminels ne disent rien du nombre de «pédophiles abstinents», ayant une attirance pour les corps prépubères, sans pour autant commettre d’infraction. Au total, 5 à 10% des adultes pourraient avoir des fantasmes pédophiles, selon le Dr Anne-Hélène Moncany, présidente de la Fédération française des CRIAVS.
Or, «il faut prendre en compte les auteurs pour éviter la récidive, mais aussi ceux qui ne sont pas passés à l’acte, pour éviter qu’ils le fassent», ajoute cette psychiatre installée à Toulouse.
Groupe de paroles pour victimes et pédophiles
Du fait de leur difficulté à évoquer leurs pulsions, les pédophiles «s’enfoncent dans leur problème. Cela favorise le passage à l’acte, et aussi l’impossibilité de vivre une sexualité épanouie», souligne-t-elle.
Dans son salon de la banlieue parisienne, la présidente de l’association l’Ange bleu, Latifa Bennari, réunit chaque mois depuis 1998 pédophiles abstinents et agresseurs pour un groupe de parole qui associe aussi des victimes.
«Auteurs comme victimes souffrent. Mais c’est l’auteur qui impose sa souffrance à l’autre et en crée de nouvelles»
Abusée la nuit pendant plusieurs années par son beau-père lorsqu’elle était enfant, Juliana, 45 ans, fréquente ce groupe pour «comprendre ce qui se passe dans la tête d’un pédophile». Son récit a permis à Bruno, père incestueux, de prendre conscience que ses enfants ne dormaient pas quand il abusait d’eux. Un choc.
«Auteurs comme victimes souffrent. Mais c’est l’auteur qui impose sa souffrance à l’autre et en crée de nouvelles», analyse-t-il.
Il est «plus efficace d’apporter une écoute et une empathie pour sevrer que de durcir les peines d’emprisonnement», soutient Mme Bennari, estimant que «rien n’est fait pour éviter le premier passage à l’acte.»
Mais le message «reste compliqué à faire passer», observe le Dr Moncany, car la pédophilie suscite des «réactions encore très vives».
«On se heurte à des clichés, comme ce sont des monstres, pourquoi les aider? ou bien de toute façon, on ne peut pas les soigner. Alors qu’il y a des psychothérapies et des traitements médicamenteux validés», ajoute-t-elle. Encore faut-il pour cela, insiste Cécile Miele, sexologue à Clermont-Ferrand, former les soignants et déconstruire leurs propres clichés, car certains peuvent aussi avoir «peur pour leurs enfants».
Quant aux pédophiles, ils ont sur eux-mêmes «les mêmes préjugés, c’est pourquoi ils se détestent». «Ils consultent si on leur ouvre une porte. Sinon, ils ont bien trop honte.»
Une ex-cavalière professionnelle affirme avoir été victime de viols et d’agressions pendant son adolescence dans les années 80.
La Fédération française d’équitation (FFE) a annoncé vendredi à Bordeaux «une série d’actions» après avoir été interpellée par une ancienne compétitrice affirmant avoir été victime de viols et agressions pendant son adolescence dans les années 80 par trois encadrants.
Après une première réponse écrite de la fédération qui s’affirme «à l’écoute», la directrice technique nationale de la FFE Sophie Dubourg a indiqué à la presse, à l’occasion du Jumping International de Bordeaux, qu’une «série d’actions (allaient) suivre».
L’annonce intervient en plein scandale de violences sexuelles dans le monde du patinage.
«La proie et la victime»
Amélie Quéguiner, quinquagénaire, a expliqué dans une lettre au président de la FFE Serge Lecomte, postée sur son compte Facebook, avoir été «la proie et la victime» de trois hommes, «l’enseignant de mon club pendant 10 ans, le CTR (Conseiller technique régional) de l’époque à plusieurs reprises lors de formation dans mon club et déplacement en championnat, un autre enseignant lors d’un stage régional».
Elle explique avoir «porté plainte contre ces trois individus, même si les faits sont aujourd’hui prescrits». La plupart se seraient déroulés à l’époque dans les Pyrénées-Atlantiques, et hors de ce département pour des stages.
Le parquet de Pau a confirmé vendredi à l’AFP avoir classé sans suite pour prescription, fin 2019, une plainte déposée par Mme Quéguiner en 2018. Cette semaine, elle a annoncé sur Facebook avoir déposé une autre plainte. La gendarmerie a confirmé un dépôt de plainte, jeudi à Laroche-Chalais (Dordogne), visant deux personnes.
Amélie Quéguiner, ex-cavalière professionnelle de bon niveau régional, aujourd’hui directrice de centre équestre en Dordogne, a rappelé qu’elle avait déjà fait état il y a deux ans des viols par son agresseur principal, mais que les récentes révélations de patineuses ont été pour elle un «déclencheur», pour aller plus loin.
«Cela a éliminé la dernière honte qu’il pouvait y avoir en moi, me dire que je n’étais pas seule à avoir été victime de plusieurs, que ça pouvait se dire et qu’il fallait le dire», a-t-elle déclaré sur France Bleu Périgord. «J’avais envie de participer à la parole qui se libère en ce moment, afin de sensibiliser le plus de monde possible sur l’évidence que ces faits existent dans le sport et dans l’équitation en particulier».
«Flot de témoignages»
Dans sa lettre au président de la FFE, Amélie Quéguiner assure avoir reçu «un flot de témoignages» depuis ses premières révélations et sa plainte en 2018. «Il y a dans vos licenciés des dizaines de filles et de garçons, mineurs, agressés sexuellemet et violés», lance-t-elle à Serge Lecomte. «La majorité le sont par des enseignants, diplômés ou non, des cadres techniques, des encadrants, des maîtres de stage».
Dans sa missive, où elle répète a plusieurs reprises «dans l’équitation aussi», elle dénonce le fait que son agresseur principal, bien qu’aujourd’hui à la retraite, «continue de prodiguer son savoir lors de stages en centres équestres, et traîne toujours sur les paddocks et les terrains» de saut d’obstacles.
Dans un communiqué sur le site de la FFE, Serge Lecomte, évoquant la lettre de Mme Quéguiner, a affirmé jeudi que «sous (sa) présidence, tous les faits dont nous avons été saisis relevant de violence, déviance ou abus sexuels, ont systématiquement, et sans délais, donné lieu à la mise en place de mesures conservatoires», et saisine des services compétents de l’État et de la commission juridique de la FFE.
S’agissant des mis en cause par Mme Quéguiner, Mme Dubourg a assuré pour sa part que «ces trois personnes-là n’ont pas de missions fédérales, donc c’est d’abord (du ressort) du ministère des Sports pour le droit d’enseigner, la carte professionnelle et (de) la justice pour le pénal».
Mais «il faut qu’ils soient entendus. Le ministère et la Fédération prendront aussi leurs responsabilités face à ces trois personnes-là», a-t-elle ajouté.
L’enquête concerne des faits de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime, après le témoignage de Sarah Abitbol.
Source AFP
Face à l’ampleur de la polémique et aux multiples réactions suscitées, la justice se devait de prendre l’affaire en main rapidement. C’est chose faite mardi 4 février. Le parquet de Paris a décidé d’ouvrir une enquête préliminaire pour viols et agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime, a annoncé le procureur Rémy Heitz. Cette décision intervient après les révélations de l’ancienne championne de patinage artistique Sarah Abitbol, qui accuse son ancien entraîneur Gilles Beyer de l’avoir violée entre 1990 à 1992. « Au-delà des faits évoqués » dans le livre de l’ancienne patineuse, « les investigations (…) s’attacheront à identifier toutes les autres victimes ayant pu subir, dans le contexte décrit, des infractions de même nature », a expliqué le procureur dans un communiqué.
« Je suis contente, je suis soulagée. Cette prise de parole enfin commence à porter ses fruits », a réagi Sarah Abitbol sur BFM TV. « Je suis émue, car c’est trente ans de combat », a-t-elle ajouté.Selon le Parisien, l’ancienne patineuse devrait bientôt être reçue à l’Élysée par Brigitte Macron. L’épouse du président de la République, qui a lu son livre, aurait été très émue par son témoignage.Pour la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, l’ouverture d’une enquête est « un signal fort ». « La parole des victimes doit être entendue par la justice », a-t-elle tweeté en milieu de journée.
D’autres anciennes patineuses ont émis des accusations similaires contre Gilles Beyer et d’autres entraîneurs. Hélène Godard a accusé ainsi, dans le quotidien sportif L’Équipeet L’Obs, Gilles Beyer d’avoir eu des rapports sexuels avec elle, alors qu’elle avait 13 et 14 ans. Anne Bruneteaux et Béatrice Dumur ont accusé elles un autre ancien entraîneur, Michel Lotz, d’avoir abusé d’elles dans les années 1980 alors qu’elles avaient 13 ans.
La ministre des Sports Roxana Maracineanu a exigé lundi la démission de l’inamovible président de la Fédération française des sports de glace (FFSG), Didier Gailhaguet, un acte rarissime pour répondre aux accusations de violences sexuelles qui secouent le patinage artistique français. « Didier Gailhaguet ne peut pas se dédouaner de sa responsabilité morale et personnelle, je lui ai donc demandé d’assumer toutes ses responsabilités et de démissionner », a déclaré Roxana Maracineanu à son ministère, dénonçant « un dysfonctionnement général » au sein de la fédération, après une heure d’entretien avec son président.
Le Comité national olympique soutient les victimes
La ministre des Sports recevait Gailhaguet pour qu’il s’explique notamment sur le maintien en poste, dans les années 2000, de l’entraîneur Gilles Beyer, accusé de viol 30 ans après les faits par la championne Sarah Abitbol mais déjà soupçonné d’attitudes peu appropriées à l’époque. Les accusations d’Abitbol, qui portent sur les années 1990 à 1992, une période prescrite, sont formulées dans son livre sorti la semaine dernière (Un si long silence, Plon). D’autres témoignages d’agressions sexuelles, visant Gilles Beyer mais aussi d’autres entraîneurs, ont été publiés au même moment par L’Obs et L’Équipe.
Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a apporté mardi son « entier soutien aux victimes des actes de violences sexuelles ». « La libération de la parole, qui concerne aujourd’hui de nombreux secteurs de la société, doit se poursuivre afin que la justice puisse être officiellement saisie », écrit le CNOSF. Par ailleurs, le Comité national olympique promet qu’il « prendra toutes ses responsabilités conformément aux dispositions prévues dans le Code du sport » alors que la ministre des Sports Roxana Maracineanu a menacé lundi de retirer sa délégation à la Fédération française des sports de glace (FFSG).
Malgré les suivis mis en place et les condamnations de la justice, un jeune sourd a poursuivi ses abus. Le canton de Vaud a ouvert une enquête administrative.
Un jeune sourd a abusé de plusieurs fillettes et adolescentes, à Lausanne et dans la région, au gré des écoles et établissements qu’il fréquentait. Malgré les suivis mis en place et les condamnations de la justice des mineurs, il a poursuivi ses abus. Le Département de la formation et de la jeunesse a ouvert une enquête administrative.
Dès son plus jeune âge, et durant dix ans, ce garçon a fait de nombreuses victimes, sourdes comme lui, révèle samedi «24 Heures». Dans son enquête, le quotidien détaille le parcours du jeune homme et se demande si toutes les mesures ont été prises pour éviter ses agissements.
L’agresseur a finalement été condamné en janvier 2018 à cinq ans de prison, assortis d’une mesure thérapeutique, relate un arrêt de la Cour d’appel qui confirme la peine. Il a été reconnu coupable de viol et de contrainte sexuelle sur six de ses victimes.
Selon l’arrêt, dès 2007, l’école spécialisée qui l’accueillait a constaté qu’il présentait un retard mental, des difficultés de communication et «des problèmes dans le rapport qu’il entretient avec la sexualité». La justice des mineurs l’a condamné trois fois, dès 2009, pour des actes d’ordre sexuel avec des enfants.
Plainte et arrestation
Un encadrement thérapeutique s’est mis en place, mais les agissements du jeune se sont poursuivis. En mars 2015, une de ses victimes porte plainte, après de graves abus perpétrés «en divers lieux» et «à au moins sept reprises», note l’arrêt de justice. L’enquête se met en marche. L’agresseur est arrêté.
Le Département vaudois de la formation et de la jeunesse, dont dépend notamment l’école spécialisée qui a accueilli le jeune homme, a décidé d’ouvrir une enquête administrative. «Elle a été confiée à un expert externe. Ses conclusions sont attendues d’ici l’été», a confirmé samedi à Keystone-ATS Julien Schekter, chargé de communication du département. (ats/nxp)
Lors du procès d’Andrew Geddes, une de ses victimes, alors âgée de 12 ans, témoigne de l’emprise qu’a eue son entraîneur sur elle.
«Il a détruit ma vie sexuelle, je pense pour toujours». La première victime d’Andrew Geddes, un ancien entraîneur de tennis accusé de viols sur quatre élèves, a décrit vendredi aux assises la relation sous emprise dont elle a été victime à l’âge de 12 ans.
«Depuis ces faits d’abus sexuels et de viols, j’ai jamais eu de relations sexuelles avec un homme et je ne supporte pas la pénétration. Quelle qu’elle soit», a commencé Virginie (le prénom a été modifié), aujourd’hui âgée de 32 ans.
En 1999, elle a 12 ans et fait partie des plus grands espoirs du tennis féminin français lorsqu’elle intègre le club de Sarcelles, le meilleur du Val-d’Oise. Elle y fait la rencontre d’Andrew Geddes, qui devient son entraîneur particulier.
«Je l’idolâtrais», reconnaît Virginie. Elle et sa famille font toute confiance à cet homme de 33 ans, en couple, qui prend la carrière de Virginie en main. «Je pensais que c’était la personne la plus importante de ma vie, quelqu’un qui allait m’aider à accéder à mes rêves», confie celle qui caresse à l’époque l’idée de devenir professionnelle.
Andrew Geddes devient un ami de la famille, emmène Virginie voir des matchs du Paris Saint-Germain au Parc des Princes, la conduit et la ramène de l’entraînement ou des tournois. Elle dort souvent chez lui, pour des raisons pratiques, avance-t-il.
«Pas compris ce qu’il se passait»
Un soir, alors qu’elle est à son domicile, «il me demande de le serrer dans mes bras».«Je trouve ça bizarre mais bon, je me dis qu’il n’a pas d’enfant, qu’il a peut-être besoin d’affection», se rappelle-t-elle. «Et puis un soir, il reste dormir dans mon lit. Le matin, il me caresse la cuisse. J’ai pas compris ce qu’il se passait», détaille la jeune femme.
Plongée dans le milieu du tennis de haut niveau, son sport prend une place prépondérante dans sa vie et l’éloigne de sa famille. «Alors je me dis que moi aussi, j’ai peut-être besoin de câlins», relate Virginie, la voix tremblante.
Petit à petit, les caresses se font plus pressantes. Elle dort de plus en plus souvent au domicile d’Andrew Geddes. Il se masturbe devant elle, la masturbe, tente de la pénétrer parfois mais s’arrête car elle a trop mal.
«Et puis sont venues les fellations, je préférais, ça me faisait moins mal», relate celle qui à l’époque a 13 ans, et se rappelle de tout comme si c’était hier. «De toute façon j’oublie rien. J’aurais préféré oublier.»
«Il m’a volé mes nuits»
A 14 ans, elle trouve la force de mettre un terme à la relation et demande à changer d’entraîneur. Elle est censée quitter l’école et prendre des cours par correspondance pour se consacrer exclusivement au tennis. Mais la veille de la rentrée, elle renonce et retourne au lycée.
«Je me suis dit si tu veux essayer de survivre à ça, il faut que tu aies une vie normale, avec d’autres jeunes de ton âge», explique Virginie. Malgré sa sortie du système fédéral, elle fait toujours partie des meilleures françaises après son bac. On lui propose des bourses conséquentes pour aller étudier aux Etats-Unis mais elle refuse, par peur de s’éloigner de chez elle.
«Il m’a volé mon adolescence. Il m’a volé mes nuits. Dans mes cauchemars encore aujourd’hui il me poursuit, il me rattrape et je le tue. Tout le temps», raconte Virginie. Elle vit aujourd’hui avec une femme, avec qui elle attend son premier enfant, «elle m’a sauvé la vie», raconte Virginie.
Andrew Geddes, qui a toujours nié les viols tout en admettant des gestes déplacés à son égard, a été interrogé après son témoignage. «Je veux bien la croire, mais je ne me représente pas ces moments dans mon esprit», a répondu Andrew Geddes, présentant des excuses.
«J’espère qu’avec le temps, elle pourra se reconstruire et vivre une vie la plus normale possible.» (afp/nxp)
L’ex-prêtre français Bernard Preynat, jugé en France pour de multiples agressions sexuelles sur de jeunes scouts il y a plus de 30 ans, a fait face aux témoignages de ses victimes, mercredi.
«Il parle de caresses. Ma femme me caresse. Lui, c’était de la masturbation; il me touchait comme un sauvage», s’indigne à la barre une victime de Bernard Preynat, jugé à Lyon pour de multiples agressions sexuelles sur des enfants.
«Il me baissait mon short, me touchait le sexe, me masturbait, m’obligeait à me masturber et m’a demandé parfois de le masturber, de caresser son sexe… Il me retournait pour se frotter contre moi», explique mercredi devant le tribunal correctionnel Stéphane Hoarau, 8 ans à l’époque des faits, ajoutant que ces abus s’étaient déroulés plusieurs fois dans la chambre de l’ancien homme d’église.
Selon lui, les jeunes proies de Preynat se succédaient parfois dans un même local. Appelé par le prêtre sous le prétexte de l’aider à quelque chose (un mode opératoire fréquent chez lui), Stéphane Hoarau se rappelle avoir croisé en arrivant un petit garçon, regard fuyant, tête basse, qui sortait d’une pièce où se trouvait Preynat.
«J’ai vraiment eu l’impression qu’il lui avait fait subir la même chose qu’à moi», dit-il. «Moi, j’avais confiance». Au début. Mais «je ne suis pas né sous une bonne étoile», souligne M. Hoarau, placé à l’âge de 4 ans en famille d’accueil après avoir été déjà victime d’un prédateur sexuel dans son entourage familial. Il avait été inscrit par sa famille d’accueil chez les scouts du groupe de Preynat pour «le recadrer».
Ce qu’il récolte ce sont des attouchements, des agressions sexuelles répétées. Il portera plainte en avril 2016 après de longues années de silence.
Après les scouts, s’en suivront d’autres galères, familles d’accueil, foyer, foyer de jeunes travailleurs et «mise à la rue» à 18 ans à peine. Depuis, «je me suis marié». «J’ai des enfants mais j’ai beaucoup de mal à les toucher», reconnaît-il, attribuant ses difficultés à les câliner au traumatisme vécu dans son enfance, sous l’emprise du «père Bernard». «Ces réticences, il y a un lien de cause à effet avec ce qui m’est arrivé».
«On aurait pu m’aider»
L’ex-prêtre français a pointé mercredi la responsabilité de sa hiérarchie, qui, plusieurs fois alertée sur ses pulsions, n’a pas exigé qu’il se fasse soigner. «Déjà à 14 ans, au petit séminaire, je savais déjà (que j’étais attiré par les petits garçons). On m’a dit tu es un malade , mais on s’est débarrassé de moi. On m’a envoyé dans un autre séminaire», raconte Bernard Preynat, 74 ans, à la barre pour cette deuxième journée d’un procès à Lyon (centre-est) à l’issue duquel il encourt jusqu’à 10 ans de prison.
L’ancien curé de Sainte-Foy-les-Lyon (banlieue de Lyon) explique que ses penchants n’ont pas empêché son ordination en 1971. «On aurait dû m’aider… On m’a laissé devenir prêtre», a-t-il déclaré mercredi, soulignant qu’il avait suivi une thérapie à l’hôpital psychiatrique du Vinatier, près de Lyon, en 1967 et 1968.
Au fil des années, il a expliqué pendant la confession avoir bien présenté «comme un péché» certains de ses actes et pulsions. Mais «le prêtre me donnait des encouragements pour que je ne recommence pas, et l’absolution». «On m’a parlé plusieurs fois de maladie sans me donner de chemin pour en sortir», résume-t-il, tout en prenant soin de tempérer: «je n’accuse pas l’Eglise; je ne m’en sers pas comme excuse».
L’abuseur abusé
Bernard Preynat a révélé mercredi avoir lui-même été abusé dans sa jeunesse. L’ancien prêtre a d’abord surpris jusqu’à son avocat en évoquant pour la première fois des abus qu’il aurait lui-même subis dans sa jeunesse, en se référant à une lettre écrite l’été dernier à l’administrateur apostolique de Lyon Michel Dubost.
Dans ce courrier, Preynat raconte notamment avoir été successivement agressé sexuellement par un sacristain de sa paroisse, un séminariste et un prêtre au petit séminaire entre sa sixième et sa quatrième. Des faits qu’il n’avait jamais évoqués avant d’être interrogé par une inspectrice de police début 2016.
«Peur de devenir moi-même un agresseur»
Une autre victime témoigne d’horribles «flashes» quand elle change les couches de ses jumeaux, des petits garçons de deux ans. «Parfois, quand je suis amené à les changer, des visions me reviennent. Des craintes me reviennent», raconte la voix étranglée Stéphane Sylvestre qui a déposé plainte en 2015. «Alors que changer un enfant, c’est très loin des caresses sur le sexe» de Preynat. Mais «j’avais peur de devenir moi-même un agresseur».
Il se souvient des attouchements de l’ex-prêtre sur son sexe, notamment dans les bureaux du premier étage de l’église Saint Luc. Quand Preynat l’agressait, «il pouvait parler de scoutisme, complètement en décalage avec ce qu’il me faisait. Je dis ça maintenant avec ma vision d’adulte», relève M. Sylvestre.
«J’ai voulu quitter les scouts et quand j’ai pu enfin en partir, je me suis adossé et écroulé le long du mur. Ses parents s’en étonnent et Stéphane parle enfin: ‘Un homme m’a caressé; il a mis sa main dans mon short’. Heureusement, ‘mes parents m’ont cru aussitôt et ça m’a beaucoup aidé’. ‘A l’époque, j’avais l’impression d’être la seule victime’. Quand on est abusé, ‘on est un pantin dans un corps qui ne nous appartient plus’», dit-il, la gorge serrée.
Dieu merci !
Face à ses victimes, Bernard Preynat, comme depuis le début de son procès, reconnaît partiellement les faits et leur demande pardon. »Je regrette de l’avoir rendu malheureux«, dit l’ancien prêtre de 74 ans après le témoignage poignant de M. Sylvestre.
«J’étais très loin de tous les agresser, Dieu merci!», s’était-il exclamé un peu plus tôt, en réponse à la présidente du tribunal qui soulignait de sa part «une multiplicité d’actes sur une multiplicité d’enfants pendant une vingtaine d’années».
Dix parties civiles, sur 35 victimes entendues pendant l’enquête, sont constituées au procès, beaucoup de faits étant frappés de prescription. L’une des victimes parties civiles, Frédéric Sarrazin, ne s’est pas présentés à l’audience.
Le présidente Anne-Sophie Martinet a indiqué que seraient entendus dans l’après-midi les experts qui ont tenté de sonder la personnalité de Bernard Preynat, prêtre adulé et pervers sexuel.